samedi 15 janvier 2022

Portraits de personnes handicapées - Karine (4)

La vie d'avant

Y’a pas grand-chose qui me manque de ma vie d’avant. C’est vrai qu’il y a l’Ataxie maintenant, sauf que moi, en tant que personne, je me suis retrouvée, et je vais bien mieux. Avant, j’étais vraiment malheureuse. Oui, peut-être que mon physique allait bien, mais ma tête était maganée. L’Ataxie m’a fait réaliser des choses. Ça m’a fait comprendre qu’il y a des choses pires que ça dans la vie. Comme les problèmes de santé mentale. Si ça ne va pas bien dans ta tête, ça n’ira pas bien nulle part. Ça a toujours été difficile pour moi de trouver ma place dans la société. J’étais vraiment affectée par le regard des autres et j’avais toujours peur d’être rejetée. L'Ataxie a fait en sorte que je m’en fous complètement maintenant. C’est rien ce que le monde pense de toi! Et puis maintenant le fait que j’ai un “handicap”, ça m'ouvre des portes. Et j'ai de l’aide du gouvernement. Je fais partie du monde esti! Sinon on n’aurait jamais su qui j’étais. Comme personne ordinaire, j’avais l’impression que j’avais pas le droit d’exister comme les autres. Mais maintenant, je sens que j'ai le droit d'être là.



Portraits de personnes handicapées - Karine (3)

Avant, je me projetais

Avant, je me projetais beaucoup. Je me disais : “plus tard je vais partir d’ici, je vais avoir une maison, faire des voyages, etc.” Mais ça me faisait du mal, parce que je faisais des projections, mais ça n'arrivait pas.


Maintenant, l’avantage, c’est que j’ai pas le choix de m'arrêter. Tout est sur le frein. Vu de l’extérieur, ça ressemble à ça. Mais à l’intérieur, il se passe beaucoup de choses. Je vis au présent au lieu de penser au futur.


J’apprécie mieux les petits moments, les petites choses de la vie. Admirer la nature, prendre des photos des beaux paysages, flatter mes animaux, colorier des mandalas. Hier, je suis allée ramasser des feuilles pour les admirer. Juste ça, ça m’a rendue heureuse! 



 

 

 

Portraits de personnes handicapées - Karine (2)

Demander de l'aide 

Faut pas avoir peur de demander de l’aide aux gens autour de toi parce que oui, c’est toi qui fais le plus gros de la job, sauf que tu peux pas t’aider tout seul. J’ai pensé longtemps que j’allais être capable de m’en sortir seule, mais ça m’a pété dans la face. T’as besoin d’aide, t'as besoin de l’expertise des autres, t’es pas bonne dans tout. C’est aussi en parlant aux autres que t’apprends sur toi. Les gens sont importants. Je ne suis pas capable de détester les gens. Je respecte les gens et leur parcours de vie, leurs souffrances. Si y’en a un qui est désagréable avec moi, je vais penser : ah, lui il ne va pas bien dans sa tête. Ça arrive, je sais, je suis passée par là. Moi j’vais pas être désagréable avec lui. Non, j’vais pas jouer au jeu qu’il veut. 



Portraits de personnes handicapées - Karine (1)

Éric

Je suis super proche de mon grand frère, on a tout vécu ensemble, on est pas mal à la même place. Mon frère a eu bien des blessures, bien des problèmes dans sa vie. C’est pour ça qu’on se comprend. Quand il était jeune, il se faisait intimider ; moi aussi. Mais il ne pouvait pas vraiment me défendre: il avait ses problèmes. Et je pouvais pas vraiment le défendre, moi non plus je n’allais pas bien. Nous deux on allait pas bien. Après il s’est excusé de pas avoir été le frère que j’aurai voulu. Il est parti de la maison il y a 2-3 ans. J’ai trouvé ça difficile. Quand il est parti, je me suis retrouvée toute seule, loin de mon confident. Parfois je lui demande si je peux aller chez lui, décompresser. Il comprend, il me connaît. Ça me  fait du bien, j’ai besoin de sortir. Son appartement est pas vraiment accessible - y’a des marches fatigantes pis y’a pas de rampe -  mais mon frère est là, il m’aide. Tant que je suis pas chez nous! Juste le fait d’être ailleurs… C’est étouffant de tout le temps être avec ses parents… J’ai beau les aimer mais… J’ai besoin de mes moments. Mon frère y est tout seul, y’a la paix, lui. J’ai hâte d’être là moi aussi. D’avoir la paix.

Par rapport à ma maladie? Il est comme moi : il sait que je suis capable de me relever. C’est pas ça qui va m’arrêter. Pour lui c’est pas une fatalité, c’est pas assuré que je vais être en chaise roulante. Non, c’est un jour à la fois. 


Portraits de personnes handicapées - Ma démarche

Les personnes handicapées ne sont pas assez présentes en société. C'est un fait, on les voit peu. Pourtant selon l'Office des personnes handicapées du Québec, elles ne représentent pas moins de 16% de la population. Plus d'une personne sur dix. Il y a néanmoins encore un voile invisible entre elles et les personnes valides. Depuis que je suis passée derrière ce voile, je me demande comment retourner de l'autre côté, tout en étant indéniablement différente. Comment faire pour que les gens cessent de tourner la tête quand je passe? Comment redevenir incognito? Cet incognito que je chérissais tant. Je suis arrivée à des pistes de réponses avec le temps, notamment en suivant la page Facebook Humans of New York, où l'auteur, Brandon Stanton, photographie des gens qu'il rencontre et leur donne la parole, pour ensuite partager leur histoire avec nous. Des prisonniers, des drogués, des vieillards, des itinérants, des prostitués, des condamnés, etc. Des gens normaux aussi. Une foule d'expériences de vie souvent éloignées de celles des lecteurs, qui sont pourtant des milliers, chaque fois, à répondre avec bienveillance et humanité. Parce qu'on s'identifie ; on réalise rapidement que derrière ces histoires, ce sont des humains, mus par le désir d'aimer et d'être aimés, de s'épanouir, d'appartenir, et avec un peu de chance, de toucher au bonheur. Les mêmes préoccupations que tout le monde, incluant les personnes handicapées. Je songeais donc depuis un bon moment à faire des portraits de personnes handicapées. Pour les humaniser et normaliser cette expérience de vie pas si rare. De plus, alors qu'on parle la plupart du temps des handicapés sous l'angle des obstacles et des misères, j'avais surtout envie de montrer leurs joies, leurs rêves et leurs réussites. Pour qu'on arrête de les fixer du regard en les voyant passer. Pour qu'elles ne soient plus perçues comme des créatures étranges et malheureuses, mais plutôt comme des humains, avec une histoire de vie un peu différente, comme tout le monde.  

Aide médicale à mourir : ma collaboration avec MÉMO-QC

J'ai eu la chance, dernièrement, d'écrire un texte pour Paraquad , la revue de MÉMO-Qc. Rappelons que  MÉMO-Qc, est un organisme qui...