jeudi 25 novembre 2021

Communiqué de presse

Je suis inscrite au cours de "Rédaction et communications publiques" cette session-ci. Dernièrement, alors que j'apprenais à rédiger un communiqué de presse, une amie d'une amie m'a demandé si je pouvais l'aider pour un projet. 

Son message allait comme suit : 

 

Bonjour,
Je suis à la recherche d’une personne pour me donner un coup de main à préparer le lancement de cette chanson et son vidéoclip, projet que j’ai réalisé comme artiste indépendante, avec plusieurs artistes au Québec, États-Unis, Inde, etc.
Je manque de temps pour tout faire : rédaction du communiqué de presse, répertorier journalistes, contacts de diverses organisations interculturelles, préparer des envois courriels, etc. L’idée est diffusion de l'invitation à l’événement web de lancement.

      

Je venais tout juste, pour mon cours, de livrer un communiqué de presse (fictif) pour annoncer l'ouverture d'un comptoir de légumes au marché Atwater. Je me sentais d'attaque. 

J'ai donc dis oui.

J'ai rencontré Geneviève pour bien comprendre son projet et connaître un peu la personne pour qui j'allais parler. 

Puis je me suis mise à l'écriture. 

Voici le communiqué de presse que j'ai rédigé : 

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Communiqué


Pour diffusion immédiate



Lancement de la nouvelle chanson Kune de l’artiste Geneviève Labbé


Montréal, le 14 novembre 2021. - L’auteure-compositrice-interprète Geneviève Labbé présente sa nouvelle chanson Kune le 23 novembre prochain lors d’un lancement par visioconférence, en compagnie des musiciens-artistes qui ont participé au projet musical. L’événement, qui se déroulera en direct sur la page Facebook du regroupement Artistes pour la Paix, a pour objectif de célébrer la sortie de la nouvelle chanson et d’expliquer le processus créatif de cette œuvre-collaborative qui réunit des artistes des quatre coins du monde.

« Le mot Kune signifie « ensemble » en esperanto, explique Geneviève Labbé. Cette chanson évoluait en moi depuis au moins 3 ans, et pour la réaliser, j’ai voulu rassembler des gens que la vie avait mis sur mon chemin. Finalement la création collective rassemble plus de 20 artistes de partout dans le monde (Apache, Innu, Peul, Hébreu, Québécois, Hindou, Camerounais, Bengali, Persan, etc.) ! C’est une chanson que nous avons créée par amitié, et qui exprime le vent qui nous relie tous, l’harmonie, l’ouverture, la douceur et l’espoir. De faire émerger la beauté de l’être humain, c’est une des plus belles choses que l’art peut faire », termine l’artiste.

À propos de : Geneviève Labbé est une auteure-compositrice-interprète. Elle crée en 2008 l’album pour enfants Sous un même soleil, puis en 2015 l’album Dunes, qui s’adresse à un public plus large. Artiste engagée pour la paix, elle présente ses chansons en spectacles et anime des ateliers de médiation culturelle depuis plusieurs années. En parallèle à ses nombreux projets artistiques, Geneviève Labbé travaille avec les nouveaux arrivants au Québec.


Renseignements

Geneviève Labbé

no de téléphone

courriel

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Quand j'ai envoyé le communiqué à Geneviève, elle m'a répondu qu'elle souhaitait qu'on y parle du contexte de création et des artistes-collaborateurs. Je lui ai expliqué que j'avais créé un communiqué de presse classique, qui servait à annoncer l'événement de façon neutre, sans faire de promotion. Je lui ai suggéré d'ajouter les éléments souhaités à l'intérieur de la citation, qui permet plus de liberté. Il y a eu un silence d'une semaine où elle ne m'a pas réécrit, puis elle m'a appelée pour me dire qu'elle avait consulté une personne en communication et un rédacteur, qui ont tous deux approuvé mon communiqué de presse. 

Finalement, dans l'envoi aux journalistes, il a été utilisé presque tel quel. J'ai cependant repéré certains éléments qui ont été ajoutés (dont une phrase au passé simple qui m'a fait grincer des dents!). Pour le reste, j'ai trouvé que c'était une belle invitation.

Voici l'envoi final : 




INVITATION AUX MÉDIAS FRANCOPHONES ET ANGLOPHONES
Lancement de la nouvelle chanson Kune de l’artiste Geneviève Labbé


L’auteure-compositrice-interprète Geneviève Labbé invite les médias au dévoilement de la nouvelle chanson et du vidéoclip Kune le 1er décembre à 19h, lors d’un lancement avec les artistes collaborateurs de l’œuvre. L’événement sera un webinaire bilingue de 30 minutes sur Zoom, auquel les médias sont invités et que le grand public pourra suivre en direct sur la page Facebook du regroupement Artistes pour la Paix.
 
Pour rejoindre l’évènement* Web de lancement, mercredi le 1er décembre, 19 h :
 * Inscription non-obligatoire

Au plaisir de vous rencontrer !


Communiqué de presse (en français)
POUR DIFFUSION IMMÉDIATE

 
Lancement de la chanson Kune de l’artiste Geneviève Labbé et plusieurs artistes collaborateurs
 

Victoriaville, le 24 novembre 2021 - L’auteure-compositrice-interprète Geneviève Labbé présente le 1er décembre prochain sa nouvelle chanson Kune lors d’un lancement par visioconférence, en compagnie des musiciens-artistes qui ont participé au projet musical. L’événement, diffusé en direct à 19 heures sur la page Facebook du regroupement Artistes pour la Paix, a pour objectif de célébrer la sortie de la nouvelle chanson et d’expliquer le processus créatif de cette œuvre collaborative qui réunit des artistes des quatre coins du monde. 
 
« Le mot Kune signifie « ensemble » en espéranto, explique Geneviève Labbé. Cette chanson évoluait en moi depuis 3 ans, et pour la réaliser, j’ai voulu rassembler des artistes que la vie a mis sur mon chemin.  Finalement, la création collective rassemble plus de 15 artistes de partout dans le monde (Apache, Innu, Peul, Juif, Québécois, Indien, Camerounais, Bengali et Persan)!  C’est une chanson que nous avons créé par amitié, une chanson habitée de voix à la fois libres et unies. Elle évoque l’harmonie, l’ouverture et l’espoir. De faire émerger la beauté de l’être humain, c’est une des plus belles choses que l’art peut faire », termine l’artiste.
 
La musique fut composée par Geneviève Labbé au piano et les arrangements composés avec Ovide Coudé à la basse, Khosrow Maghsoudi au kamânche persan et Jean-François Sauriol au violoncelle.


Pour visionner l’évènement de lancement sur la page Artistes pour la paix (mercredi le 1er décembre à 19 heures):
https://www.facebook.com/ArtistespourlaPaix
 
Lien Youtube pour le vidéoclip KUNE (disponible dès 19h45 h le 1erdécembre) :
https://www.youtube.com/watch?v=YXWN3FvVnWo
 

À propos de Geneviève Labbé
Geneviève Labbé est une auteure-compositrice-interprète. Elle crée en 2008 l’album-jeunesse Sous un même soleil, dont elle présente les chansons lors de 200 spectacles au Québec et en Inde. Puis en 2015 elle offre au grand public l’album Dunes, aux fusions pop-jazz et aux thèmes mystiques. Artiste engagée pour la paix, elle réalise des projets de médiation culturelle depuis plusieurs années, dont la comédie musicale La rivière en toi. En parallèle à ses projets artistiques, Geneviève Labbé travaille avec les familles réfugiées arrivant au Québec.


Pour télécharger la liste des artistes et musiciens du projet KUNE,  une image promotionnelle pour diffusion ainsi qu'une copie pdf de ce communiqué de presse, cliquez sur les boutons de couleurs sous ce texte.
 

Renseignements : 
Geneviève Labbé
courriel

téléphone

samedi 20 novembre 2021

Atelier de rédaction professionnelle - Mon texte (Partie 3)

Pour comprendre le contexte de création de ce texte, consulter ces publications : 
Atelier de rédaction professionnelle (Partie 2)

Visioconférence et personnes à mobilité réduite : la panacée?



Par Joëlle Tremblay

Tuteur : Stéphane Laporte


Depuis le début de la pandémie, la vie sociale des gens s’est en grande partie déplacée vers l’espace virtuel. Cela a permis aux personnes à mobilité réduite de participer à de nombreuses activités, sans les habituelles contraintes d’accessibilité physique. Alors que plusieurs personnes se réjouissent du retour à la vie normale, d’autres craignent les conséquences du déconfinement. Enquête sur les impacts de la visioconférence sur la vie des personnes à mobilité réduite.

Ma vie n’a jamais été aussi remplie que depuis le début de la pandémie. Moi qui peinais à trouver des activités où mes limitations physiques ne feraient pas obstacle, j’ai l’embarras du choix, maintenant que les lieux communs ont migré vers les espaces de réunions virtuelles. Les occasions se multiplient et plus rien ne m’empêche de les saisir : ni la distance, ni les barrières physiques, ni le transport, ni même le regard, car maintenant je suis comme tout le monde : une participante assise, et à part entière. Dans la dernière année, j’ai donc eu la chance d'assister à des conférences, à des groupes de discussion, à des consultations municipales, à des séances d’entraînement physique, à des spectacles, à des réunions familiales, etc. J’ai senti, depuis le début de la pandémie, un besoin de compenser pour le temps perdu des dernières années. De remplir le vide qui s’était créé dans ma vie et dans mon calendrier. Mon expérience a été à ce point positive que j’ai cherché à savoir si l’année pandémique des autres personnes à mobilité réduite avait été, à l’instar de la mienne, pleine et enrichissante. J’ai voulu savoir si la visioconférence avait contribué à réduire le fossé qui sépare les personnes handicapées de celles sans incapacité. Fossé encore profond : les statistiques prépandémiques de l'Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ) révèlent que seulement 60% des personnes en situation de handicap occupent un emploi et que 26% souffrent d’isolement social. Lorsqu’on sait que 80% des personnes sans incapacité sont sur le marché du travail et que seulement 15% disent se sentir isolées, on constate qu’il y a encore du chemin à faire pour que les personnes handicapées jouissent des mêmes chances d’épanouissement que les personnes dites « normales ». Comme la crise sanitaire est trop récente pour que données et statistiques sur l’impact de la visioconférence ne soient compilées, j’ai décidé de mener ma propre enquête et d’aller à la rencontre d’individus afin de recueillir leurs témoignages. Ainsi, trois personnes ayant une déficience physique et deux intervenants du milieu m’ont apporté leur point de vue sur la visioconférence. Cinq personnes qui ont vu leur vie ou leur pratique transformée par le numérique. Pour le meilleur ou pour le pire.

Jessica – « Je peux tout faire de la maison! » 




« Le monde s’est ouvert à nous! » C’est ce que déclarent plusieurs personnes handicapées, dont Jessica. J’ai connu Jessica dans un groupe de femmes handicapées qui a vu le jour durant la pandémie. Un jeudi sur deux, nous sommes une dizaine de participantes qui nous réunissons sur Zoom pour discuter des enjeux reliés à notre vie de femmes en situation de handicap. On rit, on pleure, et chaque fois, on quitte la réunion avec regret en songeant déjà à la prochaine. J’ai donc croisé Jessica lors d’une de ces rencontres. Je dis bien « croisé ». Jessica est un coup de vent qui passe, au hasard d’un jeudi matin, puis disparaît pour quelques semaines. Seule constante : elle a toujours le soleil dans la voix et ce petit air espiègle qui m’intrigue. J’ai l’impression qu’elle peut apporter de l’eau au moulin de mon enquête. Quand je réussis enfin à lui mettre le grappin dessus, je constate que je ne m’étais pas trompée.

On commence par le début : la jeune mère de famille est atteinte de l’Ataxie de Friedreich, une maladie neuromusculaire qui affecte sa motricité. Ancienne archiviste médicale, Jessica a dû arrêter de travailler très tôt en raison de son handicap. « Trop tôt, précise-telle. Je me tournais les pouces, je me demandais à quoi je servais dans la société. J’avais depuis longtemps l’envie de devenir représentante des produits Tupperware, dit-elle. Mais j'étais pas « game » ». Quand je lui demande pourquoi, elle répond du tac-au-tac : « Mon handicap. Je ne me voyais pas arriver chez les gens avec mes deux valises pleines de plats, les escaliers, l’hiver, demander aux gens de m’aider. »

Jessica m’explique aussi que les formations pour devenir représentante s’offraient exclusivement à Montréal, le dimanche, sur plusieurs semaines. Pour Jessica, qui habite un petit village du Centre-du-Québec et qui doit composer avec les aléas d’une maladie neurodégénérative harassante, ces déplacements hebdomadaires représentaient un obstacle infranchissable.

Puis la pandémie est arrivée. Encore émerveillée par ce virage inattendu, Jessica m’explique que toutes les activités de l’entreprise Tupperware se sont alors déplacées vers Zoom. Son inaccessible projet était désormais à sa portée. Elle a ainsi pu suivre la formation pour devenir représentante et commencer à faire des démonstrations. Aujourd’hui, Jessica est à la tête de sa propre équipe de représentantes, qui connaît un succès enviable. Son élocution un peu ralentie par la maladie n’altère en rien son enthousiasme : « En plus je peux tout faire de la maison, j’adore ça! »


Quand le virtuel améliore le réel - « Maintenant elles me connaissent […] elles savent que j’existe. »

« Ça faisait longtemps que je voulais participer aux cuisines collectives au centre de femmes de ma ville, dit Jessica. Sauf qu’au centre, il y a quatre marches, pas de rampe d’accès. »

Elle reprend son souffle et enchaîne, tout sourire : « En octobre 2020, elles ont finalement commencé à faire les cuisines collectives sur Zoom! » Elle décrit l’organisation bien huilée de ces rencontres-popote : les femmes vont chercher les ingrédients la veille, puis elles cuisinent « ensemble » le jour suivant, dans une ambiance conviviale. Jessica a ainsi eu la chance de faire la connaissance de plusieurs femmes des environs, et même de se lier d’amitié avec une autre jeune maman. « Des fois elle m’appelle pour que je ramène sa fille de l’école, et d’autres fois, c’est elle qui ramène la mienne. On s’entend vraiment bien! » La visioconférence a permis à Jessica de sortir de l’ombre, de se faire connaître, et par le fait même, de construire un pont entre le virtuel et le réel.

Après la pandémie? « Maintenant elles me connaissent au centre de femmes, elles savent que j’existe. On trouvera peut-être une solution pour les quatre marches d’escalier », dit Jessica, optimiste quant à la suite des choses.

Simon – « Plus le temps passe, plus je suis écœuré de faire des Zoom »




J’ai rencontré Simon en personne avant la pandémie. Ce jeune homme de 26 ans est atteint de la paralysie cérébrale et se déplace, comme moi, en fauteuil roulant. Nous sommes tous deux inscrits au même programme universitaire ; nous avons donc roulé ensemble à quelques reprises à la sortie des cours. Gentleman, il me laissait chaque fois prendre l’ascenseur avant lui. Frondeur, il me faisait toujours rire quand, au début des cours, il demandait au professeur de sortir ses affaires de son sac à dos, accroché derrière sa chaise roulante. C’est une chose que je n’aurais jamais osé faire. Trop old school. Ou trop coincée. Mais Simon est un gars décontracté. J’ignorais qu’on pouvait être handicapé et décontracté. Pour moi, ce sont deux éléments contraires. On peut être handicapé et crispé. Ou handicapé et embarrassé. Mais pas comme Simon : handicapé et assumé. C’est la première fois que je voyais une chose pareille. J’ai eu un tel fou-rire un soir en l’entendant arriver du fond du couloir, dans un lointain grincement de ferraille. Quand il a passé le pas de la porte de la classe, il a simplement dit avec un grand sourire : « Scusez, j’ai besoin d’huile. » J’étais stupéfaite et hilare. Comment pouvait-il exister ainsi? Ça me semblait impensable, moi qui faisais tout pour raser les murs. Simon me montrait qu’on pouvait être handicapé et exister.

Puis la pandémie a débarqué dans nos vies. Dès lors je ne le croisais plus que par écrans interposés, et il était toujours derrière un petit carré noir. « T’allumes pas ta caméra? » que je lui ai texté les premières fois. « Non, j’ai pas envie que les gens me voient chez nous. » Simon cessait petit à petit d’exister. Plus tard dans la session, un enseignant lui a demandé d’allumer sa caméra. « Je suis gêné, je ne suis pas rasé et j’ai pris du poids. » Simon se laissait aller.

Quand, plus tard, je m’entretiens plus longuement avec lui, il broie du noir. Il me raconte qu’au début, il a apprécié le virage numérique, qu’il a trouvé ça pratique, mais qu’il a rapidement senti sa motivation défaillir. « J’ai moins d’énergie, j’ai souvent mal à la tête, je me sens fatigué. Plus le temps passe et plus je suis écœuré de faire des Zoom. » Simon m’explique que les cours universitaires « en présentiel » étaient beaucoup mieux pour lui : « Ce qui m’aidait c’était les gens autour, je pouvais parler avec eux, faire des blagues. Ces interactions ne sont pas possibles par visioconférence. Et d’avoir la caméra ouverte me donne l’impression que les autres s’incrustent dans ma vie privée, parce qu’on voit ma maison derrière. » Il me confie aussi se sentir isolé, que les contacts humains lui manquent. Pour 2020, Simon avait comme résolution d'obtenir son permis de conduire, de trouver un appartement et de faire des rencontres. Au lieu de cela, il est retourné chez sa mère, avec pour seuls contacts sociaux les têtes en deux dimensions que lui projette son écran d’ordinateur. « La pandémie pèse très lourd sur mes rêves d’émancipation. » conclut Simon, qui estime que la visioconférence, bien qu’elle soit pratique et parfois agréable, est loin de répondre à tous les besoins. « J’ai participé à plusieurs activités Zoom dans la dernière année. C'était bien, mais c’était pas suffisant. Zoom fait pas toute la job. »

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Sylvie – « Être confinée avec Zoom, c’est le rêve! »



J’ai fait la connaissance de Sylvie dans un groupe Facebook de personnes à mobilité réduite. Quand, pour ce projet, j’ai demandé aux membres de me parler des impacts de la visioconférence sur leur vie, la femme de 63 ans a été prompte à me répondre, en commençant par ce simple mot « Génial! ».

Son expérience paraissait emballante et j’étais curieuse d’en savoir davantage. Je l’ai donc invitée pour une rencontre Zoom, qu’elle a acceptée sur-le-champ.

Pour Sylvie, tout commence par un grave accident alors qu’elle a 17 ans. « Je marchais sur le trottoir avec deux amies quand une voiture est arrivée derrière et nous a frappées. » De toute évidence, Sylvie s’en est sortie - non sans de graves séquelles toutefois, son élocution difficile en témoigne -. Mais qu’en est-il de ses amies? Devant la gravité de l’accident, je m'enquiers spontanément de leur l’état : « Elles n’ont pas eu grand-chose, laisse tomber Sylvie. Moi, c’était à cause de mon pantalon, il est resté coincé sous la voiture. J’ai été traînée sur 300 pieds. » Sylvie a subi de multiples fractures et un traumatisme crânien. Elle en a gardé d’importants problèmes de mobilité, une surdité d’une oreille avec acouphène et des troubles de la parole. Handicapée depuis 46 ans, Sylvie a assisté aux changements majeurs de la société québécoise en matière de handicap. Elle a été témoin de la création de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ), qui a vu le jour 3 ans après son accident, en 1978. « Ça fait 46 ans que j’ai eu mon accident, donc j’en ai vécu des choses : l’isolement, l'hiver, les problèmes de déplacement. Et Zoom n’était pas là. Aujourd’hui je peux dire qu’être confinée avec Zoom, c’est le rêve! » s’enthousiasme Sylvie. Elle énumère les multiples événements auxquels elle a pu assister dans la dernière année : concerts de musique classique, visite de musées, conférences d’écrivains. Ses yeux brillent lorsqu’elle me raconte avoir « rencontré » son idole de jeunesse, Janette Bertrand.

La visioconférence a été une vraie révolution pour Sylvie. « J’ai de la misère à trouver des inconvénients à cette technologie. J’ai peut-être une seule inquiétude, nuance-t-elle. J’ai peur qu’on soit moins pressés d’adapter les lieux physiques en prétextant que de toute façon, les handicapés peuvent rester chez eux avec Zoom. »

Tiens, je n’y avais pas pensé. Mais Sylvie a vu neiger. Je n’ai même pas le quart de son expérience comme personne à mobilité réduite et j’ai déjà perdu quelques illusions. C’est de la légitime méfiance.

Plus tard, Sylvie m’envoie la liste des conférences et des activités auxquelles elle compte participer prochainement. Je me dis qu’elle n’aura pas assez d’une vie. Son enthousiasme me rend heureuse. Sylvie semble bien déterminée à rattraper tout le temps perdu pendant ces quatre décennies de confinement.


Le transport adapté – « Avant Zoom, c’était souvent la seule solution pour participer à des activités. »

Le transport adapté est le principal moyen offert aux personnes à mobilité réduite pour sortir de chez elles. Or ce transport collectif connaît souvent des ratés qui découragent les personnes handicapées de l’utiliser. Toutes les personnes que j'ai interrogées pour cette enquête ont mentionné que le transport est un enjeu et, qu'elles aiment ou non les rencontres virtuelles, toutes s'accordent pour dire que c'est une excellente chose que la visioconférence évite les problèmes de déplacement. N’étant pas personnellement utilisatrice de ce type de transport, j’ai demandé à Sylvie m’en expliquer le fonctionnement. « Il faut réserver le transport adapté minimum 24h d’avance. Il n’y a donc aucune spontanéité possible. Tu planifies une heure précise, mais il peut y avoir des annulations ou des ajouts de passagers, et le trajet change : le transport arrive parfois plus tôt, ou plus tard. Ça m’est arrivé de me faire déposer plus tôt que prévu à un endroit qui n’était pas encore ouvert. Il faut attendre à l’extérieur, même quand il fait froid. Ou le soir, tout le monde s’en va, l’endroit ferme, et toi tu restes dehors à attendre ton transport pour retourner chez toi. Normalement ils ont 30 minutes pour arriver et être considéré « à l’heure ». Parfois on attend une heure ou plus. C’est beaucoup de temps perdu. Mais on n’a pas de pouvoir là-dessus. Avant Zoom, c’était souvent la seule solution pour participer à des activités. »


Francis – « Les gens allument leur caméra et ils ont de l’énergie. »



« Allez vous promener, la neige est molle, il n’y a aucun danger si vous tombez. » « Montez vos escaliers c’est bon pour les fléchisseurs. » « Ne sortez pas longtemps en fin de semaine, il va faire chaud! » Francis est proche des gens avec qui il travaille. Une clientèle bien particulière qu’il connaît bien. Ce kinésiologue travaille depuis 23 ans auprès de gens atteints de troubles neurologiques et de personnes lésées médullaires. Des gens abîmés par la vie. Certains ne bougent plus beaucoup. D’autres se meuvent avec des limitations. Mais tous ont la volonté de conserver - ou parfois même de retrouver - leur mobilité. Une motivation que les participants puisent en eux, mais qui est maintenue à son apogée par Francis, motivateur hors pair. Inépuisable boute-en-train, Francis ne tarit jamais d’enthousiasme. « Allez, on frappe, on frappe, à gauche, à droite, 4-3-2-1, l’autre côté. On lâche pas! » À l’écouter, on croirait qu’il est en train d’entraîner la relève de Rocky Balboa. Mais Francis ne nous prépare pas à affronter un gros ennemi russe gonflé à bloc. Notre combat est ailleurs. Il nous entraîne à des batailles beaucoup plus subtiles : celles de maintenir notre mobilité, de conserver notre masse musculaire et de garder notre autonomie le plus longtemps possible. Cinq matins par semaine, nous nous retrouvons sur Zoom de 11 h à 11 h 50, munis d’élastiques, de petits poids, et de l’énergie du moment. Je dis « nous » parce que je participe aux cours de Francis depuis 6 mois, avec une vingtaine d’autres personnes aux conditions physiques diverses. À ma connaissance, personne n’a abandonné le cours jusqu’ici. Curieuse de connaître la clé de son succès, je me suis entretenue avec Francis.

J’ai commencé par cette question qui me trottait dans la tête depuis le jour 1 : « Comment fais-tu pour garder ton enthousiasme devant un groupe de gens à peine capables de bouger ou dans le meilleur des cas, aux mouvements limités? » Fidèle à lui-même, Francis me répond dans un grand éclat de rire : « C’est fou les progrès que vous faites, c’est tellement encourageant de voir ça! » Il enchaîne en disant voir une énorme différence depuis le passage sur Zoom. « Avant, les participants venaient au cours une ou deux fois par semaine, mais avec le trajet, parfois long et fatigant, ils arrivaient et n’avaient presque plus de jus. Et même en travaillant fort, ajoute-t-il, on ne peut pas s’entraîner une fois par semaine et avoir des résultats. Maintenant, les gens allument leur caméra et ils ont de l’énergie. La fréquence est vraiment meilleure et à la fin du trimestre, les participants sont plus en forme, c’est évident. »

Pour le kinésiologue, la pandémie a donné un coup d’accélérateur à une formule qu’il souhaitait déjà mettre en place, si bien que même les participants qui étaient réticents à passer au virtuel n’ont pas eu le choix : avec la pandémie, c’était en ligne ou rien. Et pour une personne ayant des problèmes de mobilité, arrêter de bouger peut être lourd de conséquences. Francis se désole d’ailleurs que certains participants n’aient pas pu prendre le virage numérique. « J’ai perdu les ⅔ de mon groupe de blessés médullaires. Certains participants peuvent difficilement bouger seuls, m’explique-t-il. Ils ont besoin de plus d’assistance physique pour effectuer les exercices, ce qui rend les cours en ligne impossibles. »

Pour la suite des choses? « J’ai déjà recommencé les séances en personne avec ceux qui ont besoin de plus d’assistance physique, dit Francis. Et je continue les cours en ligne, qui sont là pour rester, ça c’est sûr et certain! »


Vanessa-Anne – « Zoom, ce n’est pas la même chaleur humaine. »



Vanessa-Anne a son travail tatoué sur le cœur. Organisatrice communautaire chez MÉMO-Qc, je l’ai vue à quelques reprises lors d’événements virtuels de l’organisme. J’ai chaque fois été frappée par son aura réconfortante et sa présence bienveillante. C’est avec la même gentillesse que Vanessa-Anne a accepté de s’entretenir avec moi.

D’abord, elle me parle avec aplomb de cet organisme pour lequel elle travaille : « La mission de MÉMO-Qc, c’est de favoriser l’autonomie et d’améliorer la qualité de vie des personnes en situation de handicap physique, avec une attention particulière portée aux personnes qui ont une lésion à la moelle épinière. » Elle m’explique que le but du volet communautaire, auquel elle se rattache, est d’accompagner les gens à partir du moment où ils entament leur phase de réadaptation - après un accident -, jusqu’à leur retour dans la communauté. « Et au-delà! C’est un lien qui se maintient. » insiste Vanessa-Anne, la passion dans l'œil. Or, si le virtuel a permis de garder des activités sociales, des réunions et des assemblées générales, ce lien si précieux entre les intervenants et les usagers s’est parfois fragilisé depuis le début de la pandémie. C’est ce que je comprends en voyant un petit nuage lui passer dans le regard. « Pour les gens qui ont eu leur accident dans la dernière année, ça a été très difficile. On se sentait vraiment impuissants », s’attriste-elle. En raison des règles sanitaires, l’organisme n’a pu offrir tous les services de proximité, qui sont au cœur de la mission d'accompagnement des personnes nouvellement handicapées. Puis elle laisse tomber, avec le poids de l’évidence : « Zoom, ce n’est pas la même chaleur humaine. » Pour avoir vécu ce passage de la « normalité » au handicap - mais dans un processus beaucoup plus lent et moins brutal qu’un accident - je n’ai pas eu besoin qu’elle élabore sa pensée. La visioconférence aide à transmettre des mots, des informations, des humeurs de surface. Mais quand le ciel nous tombe sur la tête, les paroles sont vaines ; les émotions, souveraines. Dans ces moments, les gestes et la chaleur humaine comptent plus que tout. Et il va sans dire qu’aucun canal virtuel ne pourra jamais remplacer des bras qui enlacent, des mains qui rassurent ou un regard qui encourage.

Pour la suite des choses, les services de MÉMO-Qc se diviseront entre rencontres en personne et rencontres virtuelles. Les réunions, les conseils d’administration, et certains événements pourront continuer sur Zoom. Mais la mission d’accompagner un individu qui entame sa traversée d’une mer agitée vers une rive inconnue, cette mission qui est le cœur battant de l’organisme, ne pourra exister qu’en personne, cela ne fait aucun doute pour Vanessa-Anne. Et bien que Zoom ait fait des miracles pour moi, je ne peux qu’acquiescer.


En conclusion

J’ai commencé cette enquête avec l’inavouable certitude que l’histoire de chacun corroborerait la mienne et que ma conclusion démontrerait que le virage virtuel a été une panacée pour les personnes à mobilité réduite. Comment pouvait-il en être autrement, puisque mon expérience était si convaincante? Pendant cette année de pandémie, je me suis sentie exister, comme Simon à l’université. J’ai senti qu’on m’écoutait, qu’on me voyait. Que je comptais. La conclusion que j’anticipais s’est-elle donc avérée? Bien sûr que non. De découvrir d’autres réalités m’a permis de comprendre que la visioconférence n’est pas le sésame qui ouvre toutes les portes ni la solution qui règle tous les problèmes. Mais c’est un outil de plus dans notre coffre encore trop peu garni. Un pas de plus sur le long chemin de l’inclusion des personnes handicapées dans la société. Maintenant que la crise sanitaire s'achève et que les lieux communs redeviennent physiques, je pense à Sylvie, à Jessica et à plusieurs autres qui ne sont pas nommés ici, mais qui m’ont aidée, par leur histoire, à écrire ces lignes. Je crains pour eux, et pour moi, qu’avec le retour à la vie normale, cette porte sur le monde, que nous a ouvert le virtuel, se referme. Je crains qu’avec le déconfinement de la société, les espaces virtuels soient délaissés, et que cela signifie un reconfinement pour plusieurs d’entre nous. Je suis plus que jamais convaincue de la nécessité d’une formule hybride : une offre mixte des événements, auxquels les participants pourraient prendre part, en personne ou en virtuel, selon leur préférence. Pour que Sylvie continue d’aller au musée, pour que Jessica poursuive son fructueux parcours professionnel, en même temps que Simon recommence à s’épanouir en présence des gens. Bref, pour que nous fassions tous partie d’une société plus inclusive dans laquelle chacun pourra, à sa façon, exister.




Bibliographie



Sites web


Office des personnes handicapées du Québec. Aperçu statistique des personnes handicapées au Québec, [https://www.ophq.gouv.qc.ca/publications/statistiques/personnes-handicapees-au-quebec-en-chiffres/apercu-statistique-des-personnes-handicapees-au-quebec.html] (consulté le 22 juillet 2021)


Moelle épinière et motricité Québec (MÉMO-QC) [http://www.moelleepiniere.com/] (consulté le 4 juin)


Facebook. Personnes à mobilité réduite, [https://www.facebook.com/groups/1435739696732918/?hoisted_section_header_type=recently_seen&multi_permalinks=2579410985699111]



Entrevues


Sylvie Godbout : 31 mars, 23 juillet, 29 juillet (jointe par Zoom)

Simon Phaneuf : 20 novembre 2020 (joint par Zoom)

Jessica Laneuville : 2 avril (jointe par Zoom)

Francis Gilbert : 26 mars (joint par Zoom)

Vanessa-Anne Paré : 26 mars (jointe par Zoom)


Atelier de rédaction professionnelle - Avec la collaboration de Stéphane Laporte (Partie 2)

Quand j'ai reçu la réponse de Stéphane Laporte, je me suis immédiatement mise au boulot. Pas question d'avoir l'air d'une débutante devant ce journaliste que j'estimais tant! 

Je m'étais tendue mon propre piège et je me lançais dedans tête première. Mais peu importe, cette pression que je m'étais mise s'est révélée être un sacré moteur à l'écriture. J'ai finalisé mon texte en peu de temps et je l'ai envoyé à Stéphane, qui m'a répondu rapidement en complimentant mon travail.

Je flottais.

Je réalisais pourtant que je lui laissais peu d'espace pour me guider car j'avais fermement agrippé les rênes. À cause de mon insécurité, je m'étais blindée. Ça allait un peu à l'encontre de l'objectif du cours, j'en étais consciente. 

Ça été malgré tout une formidable expérience et un énorme privilège d'obtenir les conseils et les commentaires de Stéphane Laporte. Le ton de ses chroniques, généreux, humain et bienveillant le décrit très bien. 

Mon admiration est décuplée maintenant que j'ai eu de réels échanges avec lui!

Aide médicale à mourir : ma collaboration avec MÉMO-QC

J'ai eu la chance, dernièrement, d'écrire un texte pour Paraquad , la revue de MÉMO-Qc. Rappelons que  MÉMO-Qc, est un organisme qui...