mercredi 20 octobre 2021

Atelier de rédaction professionnelle - Avec la collaboration de Stéphane Laporte (Partie 1)

Atelier de rédaction professionnelle, c'est le titre d'un des cours du certificat de rédaction professionnelle de l'Université de Montréal. Un cours auquel on ne peut s'inscrire qu'après avoir complété 21 crédits - 7 cours -. Autrement dit, il faut déjà détenir de solides connaissances avant de s'attaquer à ce mastodonte du programme.

RED-3000 : le simple sigle du cours m'intimidait depuis le jour 1.

Production d'un texte de 10 pages, supervisé par un tuteur professionnel, évalué par un jury. J'en tremblais.

Mais après avoir écrit l'article Zoom, l'allié des personnes à mobilité réduite au printemps 2021, de rédiger ce texte de 10 pages était désormais bien plus qu'un passage obligé dans mon parcours scolaire : c'était devenu une nécessité. Une mission. La seule occasion d'aller au fond des choses.

Parce que l'article précédemment cité m'avait laissée sur ma faim. J'avais interrogé plusieurs personnes, mais j'avais dû faire des choix déchirants et retrancher plusieurs témoignages pour respecter la limite de longueur et garder un angle serré. J'étais satisfaite de mon texte, mais je savais qu'il ne couvrait qu'une partie de la réalité.

Les 10 pages du RED-3000 allait donc me permettre de tout dire. Le pour, le contre, le beau, le laid. J'étais habitée par ces témoignages que j'avais entendus, je voulais leur donner leur part de lumière. Qu'un jury me juge, c'était devenu secondaire. Je le faisais pour moi, et pour les intervenants que j'avais volontairement gardés dans l'ombre pour servir mon propos.

À l'été 2021, j'ai donc plongé. Partiellement dégagée des appréhensions que j'avais face au cours et enthousiasmée par mon sujet, j'étais portée par une confiance nouvelle. Si bien que dans un élan spontané, j'ai écrit au journaliste Stéphane Laporte pour lui demander qu'il soit mon tuteur! Un journaliste vedette dont j'admirais la plume, et qui connaissait parfaitement le monde des personnes handicapées, quoi de mieux? Je visais les étoiles!

Mais après avoir cliqué sur send, je suis redescendue de mon nuage. Qu'avais-je donc fait là?? Stéphane Laporte!! Le seul et unique, l'acolyte de Julie Snyder, qui avait travaillé avec Céline Dion, produit tant d'émissions, de spectacles et écrit une pléthore d'articles extraordinaires!! Avais-je donc perdu la tête!?

Heureusement, je n'ai pas eu le temps de réfléchir trop longtemps : j'avais envoyé mon message à 11h58 et à 12h03, je recevais cette réponse toute simple et gentille :

Bonjour Joelle,

J’aimerais, bien sûr, être ton tuteur. Puis-je savoir ce que ça implique, en fait de disponibilités? Je veux être certain d’être un bon tuteur. Peut-être que ton professeur pourra me le dire.

Bon week-end!

Stéphane


à suivre...

lundi 18 octobre 2021

Inauguration de la rampe d'accès du Centre de femmes L'Éclaircie


Je participe, depuis plusieurs mois, à un groupe d'échange pour femmes en situation de handicap. Ce groupe réunit une dizaine de participantes aux capacités et incapacités diverses, mais toutes mues par un désir inaltérable de s'émanciper le plus possible à l'intérieur de leur cadre de vie unique. L'idée de créer ce rassemblement bimensuel est venu d'une participante - Karine -, qui, pendant la pandémie, se trouvait isolée et ressentait le besoin de connecter avec d'autres personnes qui vivaient une situation similaire à la sienne. Karine en a alors parlé avec une intervenante de son centre de femmes - Lynda -, et ensemble elles ont mis sur pied Solidaire Hors-Série, un groupe Zoom ouvert à toutes les femmes handicapées du territoire québécois. 


Quand le centre de femmes a inauguré sa rampe d'accès en septembre dernier, Lynda, qui savait que je suivais un cours en rédaction professionnelle, m'a demandé de prononcer un discours! Je ne serais pas la seule à parler, il y aurait aussi différents dignitaires (député, mairesse, directrice d'une association pour personnes handicapées, etc.), mais c'est à moi qu'on confiait le privilège de parler au nom des personnes à mobilité réduite, à qui cette rampe était principalement destinée. J'ai été extrêmement flattée qu'on pense à moi et qu'on m'octroie cet espace et cette liberté de parole. C'était l'occasion pour moi de mettre mon grain de sel, de semer des graines de réflexions sur des sujets qui me tiennent profondément à coeur, à savoir l'inclusion, la diversité, l'accessibilité. C'est donc sans hésitation aucune que j'ai accepté de relever le défi de rédiger et de prononcer une allocution à l'occasion de l'inauguration de la rampe d'accès du Centre de Femmes L'Éclaircie.


Un article a été publié dans le journal local au sujet de l'événement (avec une photo de moi et des passages de mon allocution).

Le Centre de femmes l'Éclaircie se dote d'une rampe d'accès


Et on a fait une vidéo de mon discours



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8 septembre 2021


Bonjour à tous,


Nathalie, Catherine, Lynda, merci de l'invitation! C’est avec beaucoup de plaisir que je me retrouve parmi vous aujourd’hui.



Je me sens privilégiée, comme femme handicapée, d’être ici cet après-midi, et de pouvoir prendre la parole. C’est une occasion plutôt rare pour une personne en situation de handicap, et femme, de surcroît. Les femmes handicapées sont parmi les personnes les plus vulnérables de la société. D’abord parce qu’elles sont du sexe féminin. Ensuite parce qu’elles ne sont pas en pleine possession de leurs moyens. Elles sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté, d’être isolées socialement et de subir de la violence conjugale. Les statistiques révèlent que plus de la moitié des femmes ayant une incapacité ont déjà subi de la violence. Parmi les éléments qui expliquent cette plus grande vulnérabilité, il y a, évidemment et tristement, une difficulté aussi élémentaire que celle d'accéder physiquement aux services dont elles auraient besoin. Ça, les femmes du Centre l’Éclaircie l’ont saisi. Elles ont compris que quelques marches d’escalier pouvaient priver des femmes fragilisées de leurs précieux services. Non seulement les femmes du Centre l’Éclaircie l’ont compris, mais elles ont agi, avec détermination, pour éliminer les obstacles physiques et rendre l’endroit accessible, accueillant et sécuritaire, pour toutes.



Combien de fois des personnes handicapées ont-elles accepté des situations qui ont mis leur sécurité ou leur intégrité en péril? On s’est habituées à des choses auxquelles on n’aurait jamais dû avoir à s’habituer. On s’est habituées à capituler devant une marche d’escalier. À l'intérieur, l'ambiance est bonne, la musique légère, les gens bavardent. Ce serait agréable, qu’on se dit en regardant par la fenêtre. Mais il y a cette marche. Un banal dénivelé comme on en trouve partout, qui sépare les personnes handicapées de la majorité des gens. D’autres fois ce dénivelé est presque surmontable, on se sent audacieux et optimiste! Mais l’endroit est plus étriqué que prévu : on a besoin d’aide. On finit par entrer, de peine et de misère, sous les regards curieux et les sourires embarrassés, la dignité en berne.



Il arrive aussi que dans les endroits publics, on doive utiliser des toilettes qui n’ont pas été conçues pour les personnes qui ont des limitations. On se demande chaque fois, avant de s’aventurer dans une de ces salles de bains, si elle sera sécuritaire. Si on ne risque pas de s’y casser le cou en s’accrochant au distributeur de papier de toilette, en l’absence de barres d’appui. Et inévitablement, on finit par se demander si on ne serait pas mieux de retenir cette inopportune envie jusqu’à notre retour à la maison. Ces questions d’accessibilité tourmentent les personnes handicapées chaque fois qu’elles sortent de chez elles. Vous comprenez qu’elles ne sortent pas souvent…



Je vais vous donner un exemple bien concret d’un lieu qui a été conçu pour des gens parfaitement valides : la salle de spectacle que je fréquente quelques fois par année. D’abord, je tiens à préciser que ce n’est pas une petite salle de brousse : c'est une salle de spectacle de renom, qui accueille nos meilleurs artistes. Or, dans ce bel endroit très convivial pour le commun des mortels, les personnes à mobilité réduite doivent entrer par l’arrière, où il y a une rampe, et attendre qu’un employé vienne ouvrir la porte, gardée verrouillée en tout temps. Pour rendre l’expérience encore plus accueillante pour les personnes handicapées, c’est à l’avant que se trouve le petit bistro pour les cocktails pré-spectacle, et c’est à ce même endroit que les artistes vont à la rencontre du public après le spectacle, pour des séances photos, signatures d’autographes et autres sympathiques contacts sociaux. Mais malheureusement cet espace de plaisir est relié à la salle de spectacle par… un escalier. Si, d’aventure, une personne à mobilité réduite souhaite s'adonner à ce genre de réjouissance sociale, elle doit ressortir par la porte arrière (celle avec la rampe) puis faire le tour du bâtiment en passant par le stationnement, et enfin refaire son entrée par la porte d’en avant. Vous me suivez? Difficilement?? Bienvenue dans l’expérience rockambolesque d’une personne handicapée!



Maintenant revenez ici, au Centre de femmes l’Éclaircie, un endroit neutre qui vous envoie un message clair : venez, en toute sécurité, et en toute intégrité, vous êtes ici chez vous. Au Centre l’Éclaircie, pas question d’entrer clandestinement par la porte d’en arrière ou de se ronger les sangs avant d’aller aux toilettes. Pas question de subir cette sournoise ségrégation et cette insidieuse humiliation. Non, ici, on entre par ce bel et grand accès, et on utilise une toilette adaptée à nos besoins. C’est donc l’esprit tranquille et avec la certitude d’être bien accueillie que je me suis rendue ici aujourd’hui, pour l’inauguration de la rampe et de la nouvelle salle de bains, deux éléments qui favoriseront, sans l’ombre d’un doute, l’inclusion des femmes handicapées dans la communauté.



En terminant, je lève mon chapeau aux femmes du Centre l’Éclaircie et à leurs partenaires, pour ces formidables réalisations, et j'émets le souhait que davantage de gens leur emboîte le pas, car c’est en prenant des initiatives comme celle-ci que nous créerons des communautés plus fortes et inclusives, où il fait bon vivre pour tous et toutes.


mercredi 13 octobre 2021

Zoom, l'allié des personnes à mobilité réduite

Durant la pandémie, j'ai découvert, comme la plupart des gens, les réunions Zoom. Alors que de nombreuses personnes ont perçu ce nouveau format de rencontres comme une contrainte, j'y ai vu, comme personne en situation de handicap, une fenêtre ouverte sur de nouveaux horizons. 

Lorsque nous avons eu à rédiger un article informatif pour le cours "Écriture et médias", j'ai donc spontanément choisi de parler de Zoom et les personnes handicapées. La consigne était d'écrire un reportage avec entrevues sur un sujet d'actualité, ce qui m'enthousiasmait au plus haut point car je souhaitais ardemment connaître l'expérience d'autres personnes handicapées sur le virage numérique de la dernière année. 

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19 avril 2021



Zoom, l’allié des personnes à mobilité réduite



par Joëlle Tremblay



Depuis le début de la pandémie, la vie sociale des gens s’est en grande partie déplacée vers l’espace virtuel. Cela a permis aux personnes à mobilité réduite de participer à de nombreuses activités, sans les habituelles contraintes d’accessibilité physique. Plusieurs craignent désormais les conséquences du déconfinement sur leur vie.


«Le monde s’est ouvert à nous!» C’est ce que déclarent plusieurs personnes handicapées, dont Jessica. Cette jeune mère de famille est atteinte de l’Ataxie de Friedreich, une maladie neuromusculaire qui affecte sa motricité. Ancienne archiviste médicale, Jessica a dû arrêter de travailler très tôt en raison de son handicap. «Trop tôt, précise-t-elle. Je me tournais les pouces, je me demandais à quoi je servais dans la société.» Elle raconte qu’elle avait, depuis longtemps, l’envie de devenir représentante des produits Tupperware. «Mais j'étais pas «game» (je n’osais pas)», admet-elle. À la question pourquoi?, elle répond du tac-au-tac : «Mon handicap. Je ne me voyais pas arriver chez les gens avec mes deux valises pleines de plats, les escaliers, l’hiver, demander aux gens de m’aider.»

Puis la pandémie est arrivée, et les activités de l’entreprise ont migré vers Zoom. Contre toute attente, Jessica a pu suivre la formation pour devenir représentante et commencer à faire des démonstrations par visioconférence. Son élocution un peu ralentie par la maladie n’altère en rien son enthousiasme : «Maintenant, je peux tout faire de la maison, j’adore ça!»


Karin Hitselberger, auteure et militante pour les droits des personnes handicapées, explique dans son article As a disabled person, I’m afraid for the world to go back to normal, que « même si des alternatives virtuelles existaient avant la pandémie, elles n'étaient pas largement acceptées.» Elle ajoute que maintenant que les options virtuelles font partie de l’usage, «les opportunités ne sont plus limitées par la géographie.» Anniversaires, cérémonie de graduation, apéros, conférence à l’autre bout du pays, Hitselberger énumère les activités qu’elle a pu faire dans la dernière année, auxquelles il aurait été difficile – voire impossible – de participer sans les applications de réunions virtuelles. Elle se réjouit d’enfin pouvoir «participer à la vraie vie.»


La crise sanitaire force l'innovation

Pour respecter les règles de confinement, de nouvelles façons de travailler, de socialiser, de s’approvisionner, ont été développées. Le télétravail, entre autres, a connu un essor spectaculaire dans la dernière année : selon un sondage Léger, près de 50% des travailleurs du Québec ont dû réorganiser leurs tâches pour travailler de leur domicile. Les personnes à mobilité réduite bénéficient donc d’un meilleur accès, non seulement au marché du travail, mais aussi à une multitude d’activités qui leur étaient inaccessibles avant la pandémie. Selon Vanessa-Anne Paré, conseillère à MÉMO-Qc, un organisme qui œuvre à améliorer l’autonomie et l’inclusion des personnes handicapées, Zoom a permis de surmonter des barrières géographiques, physiques, et a eu, dans certaines situations, un effet égalisateur. «Avec Zoom, souvent, le handicap n’est pas apparent», observe-t-elle.


Sylvie Godbout n’a que de bons mots pour le virage numérique de la dernière année. La femme de 63 ans éprouve d’importants problèmes de mobilité depuis qu’une voiture l’a renversée alors qu’elle avait 17 ans. L’isolement et la solitude, Sylvie Godbout les connaît de fond en comble. «Ça fait 46 ans que j’ai eu mon accident. Donc le confinement, je l’ai vécu, et Zoom n’était pas là. Confinée avec Zoom, c’est le rêve!» Elle raconte avec emballement que grâce à la visioconférence, elle a assisté à des concerts de musique classique, à des conférences d’écrivains, et qu’elle a même «rencontré son idole de jeunesse, Janette Bertrand!»



Moins d’isolement social

Les statistiques pré-pandémiques de l'Office des personnes handicapées du Québec révèlent que 26% des personnes en situation de handicap souffrent d’isolement social. Selon Nathan Spreng, chercheur de l’Institut-hôpital neurologique de Montréal, «l’isolement social et la solitude représentent un risque pour la santé cognitive des individus.» Dans sa récente étude sur les effets de la solitude sur le cerveau, le chercheur explique que le cerveau crée de nouvelles connexions pour compenser l’absence de contacts sociaux. Or, ces connexions peuvent, à long terme, avoir des effets négatifs, et même favoriser l’apparition de la maladie d’Alzheimer. Il soutient que les contacts, même par visioconférence, sont essentiels pour préserver notre santé cérébrale. Il assure qu’il se passe «quelque chose de spécial lorsque l’on voit des visages humains, et que cela nous permet de nous sentir connectés aux autres.»


Enfin, Karin Hitselberger explique qu’elle craint le retour à la «normale», c’est-à-dire un retour aux choses telles qu’elles étaient avant la pandémie. «Une normalité qui n’a jamais fonctionné ni pour moi, ni pour des millions d’autres personnes», affirme celle pour qui la vie sociale et professionnelle n’ont jamais été aussi remplies que pendant la pandémie. Hitselberger se désole à l’idée que bientôt la société se déconfinera, délaissera les espaces de rencontres virtuelles, et que cela signifiera un reconfinement pour de nombreuses personnes handicapées. Jessica et Sylvie Godbout sont du même avis : un retour en arrière serait tragique. Elles rêvent, comme Hitselberger, qu’on développe des formules hybrides des événements, pour que tous puissent y accéder.


Mais pour Jessica, il n’y a aucun doute : «Je suis convaincue que le virtuel va prendre de plus en plus de place. On ne reviendra pas en arrière, il y a trop d’avantages.»

Aide médicale à mourir : ma collaboration avec MÉMO-QC

J'ai eu la chance, dernièrement, d'écrire un texte pour Paraquad , la revue de MÉMO-Qc. Rappelons que  MÉMO-Qc, est un organisme qui...